Faut-il vraiment faire de la muscu quand on est coureur ?
C’est devenu un mantra dans l’univers du running : « Il faut faire de la muscu pour progresser. » Ajoutez un coach inspiré sur Instagram, deux articles scientifiques, et c’est bon : tout le monde enfile un short, une barre de 20 kilos sur les épaules, et direction les squats.
Mais est-ce que c’est vraiment nécessaire pour TOUS les coureurs ? Pas si simple, répond Aurélien Broussal-Derval, expert en préparation physique et directeur des formations à la Fédération Française d’Haltérophilie Musculation.
Dans un épisode, il démonte avec finesse les idées reçues qui entourent la musculation pour les runners.
Crédit : site internet https://broussal-derval.com/
« Il faut arrêter de culpabiliser les gens »
Premier point d’Aurélien, adressé à tous les discours un peu trop catégoriques : « Il ne faut pas dire que tout le monde doit faire de la muscu » Eh oui, on oublie souvent que les meilleurs coureurs du monde — ceux qui grattent les podiums internationaux — sont pour certains très peu passés par la case musculation. Est-ce que ça veut dire qu’il ne faut jamais en faire ? Non plus. Mais dire que c’est indispensable pour performer est une exagération. En revanche, il y a des cas où ça peut changer la donne.
Oui, mais seulement si…
Selon Aurélien, intégrer un travail de renforcement musculaire a un vrai intérêt à partir d’un certain niveau de pratique. Si vous courez deux fois par semaine « pour le kiff », n’allez pas vous flageller parce que vous n’avez pas un abonnement à une salle de sport Mais : « Dès lors qu’on s’entraîne quatre, cinq fois par semaine avec un objectif — comme un marathon — là, ça vaut vraiment le coup de se poser la question. »
Et pas besoin d’y passer deux heures. En 20 à 30 minutes, on peut obtenir des effets concrets, à condition de bien cibler le travail et de l’intégrer sans perturber l’entraînement de course. La muscu ne doit pas être une surcharge mentale ou physique, mais un levier stratégique.
Moins de kilomètres, mais mieux exploités
Autre avantage pointé par Aurélien : la musculation peut vous aider à en faire moins… pour progresser autant. Un bon plan quand on est limité en temps, ou qu’on veut éviter les blessures. « On peut parfois obtenir des gains similaires avec un volume d’entraînement plus maîtrisé. Moins de bornes, mais mieux structurées. »
C’est un gain mécanique : en renforçant vos muscles et vos appuis, vous courez plus efficacement, et donc vous usez moins la machine. Cela peut aussi aider à éviter la surcompensation liée aux petits déséquilibres posturaux ou aux faiblesses de certaines chaînes musculaires.
Crédit : site internet https://broussal-derval.com/
Le pied, ce héros méconnu
Quand Aurélien parle muscu pour les coureurs, il ne commence pas par les quadriceps… mais par les pieds.
Oui, les pieds. « La course à pied, c’est de l’endurance de puissance à très faible intensité. Ce qu’on fait, c’est enchaîner des appuis. Et ça, ça s’entraîne. »
Travail de la voûte plantaire, des mollets, de la cheville : autant de zones clés pour améliorer la restitution de force à chaque foulée et limiter les pertes d’énergie. C’est du gain “invisible”, mais redoutablement efficace.
Faut-il faire des squats lourds ?
C’est souvent la première image qu’on associe à la muscu : une barre, un miroir, et une bonne suée. Mais pour Aurélien, ce n’est pas la priorité chez les coureurs. Il privilégie les exercices unipodaux (type fentes ou split squats) et les mouvements qui reproduisent les mécaniques de la course. « Le squat complet, c’est top. Mais ce n’est pas adapté à tout le monde. Et parfois, c’est même contre-productif si ça vous flingue votre séance du lendemain. »
En clair, mieux vaut un travail ciblé, fonctionnel et progressif, qu’un enchaînement de clichés façon "leg day" sur YouTube.
Ce qu’on retient ?
La musculation, ce n’est ni un passage obligé, ni un danger public. C’est un outil. Un levier qu’on peut activer pour progresser, si on sait quand, pourquoi et comment.
✅ Si vous débutez et que vous courez peu : pas de pression.
✅ Si vous préparez une grosse course avec 4 à 6 sorties hebdo : la muscu peut vous faire franchir un cap.
✅ Dans tous les cas : commencez petit, avec du bon sens, et ne sacrifiez jamais le plaisir de courir au nom d’une mode.
Et si vraiment vous détestez les salles de sport ?
Bonne nouvelle : vous pouvez déjà faire beaucoup avec votre poids de corps, chez vous, en 20 minutes chrono.
Difficile de passer à côté : depuis quelques années, les marques de sport investissent massivement le lifestyle. Marges plus confortables, audience plus large, produits plus désirables… Un choix audacieux, souvent payant, parfois opportuniste.
Mais à force de vouloir plaire à tout le monde, certaines marques pourraient bien oublier d’où elles viennent et surtout, pour qui elles courent vraiment.