700km dans l’enfer de la SwissPeaks (Matthis Granet )

Qu’est-ce qui pousse un homme à courir 700 km dans les Alpes, avec 49 000 mètres de dénivelé et une ampoule grosse comme un abricot sec au talon ? La réponse tient en un mot : sens. C’est ce que Matthis Granet, 27 ans, est parti chercher – et peut-être un peu trouvé – dans l’aventure démesurée de la SwissPeaks 2023.

Kilian, maman et un dossard

Avant de s’élancer dans l’épreuve la plus longue du monde, Matthis a d’abord connu un coup de foudre pour le trail… à 13 ans. Une histoire de hasard, de vacances à La Clusaz et d’un certain Kilian Jornet. Ce jour-là, il découvre un « kilomètre vertical » à l’office du tourisme. Il s’inscrit, malgré l’âge minimum non respecté – les bénévoles ferment gentiment les yeux. Sur la ligne de départ : un certain Kilian, inconnu pour Matthis à l’époque.

Mais derrière cette vocation sportive, il y a aussi un combat plus intime. Matthis perd sa mère d’un cancer alors qu’il a 10 ans. « Elle s’est battue pendant cinq ans. Alors quand j’ai commencé à courir, je me suis dit que j’allais moi aussi me battre pendant cinq ans pour finir l’UTMB. » Il y parvient en quatre. L’ultra devient un hommage, une manière de « se sentir vivant quand tout crie d’arrêter ».

Maxi Race, maxi victoire… mini flamme

En 2021, il remporte brillamment l’Ultra Maxi-Race d’Annecy. Une victoire à domicile, au mental, en doublant ses concurrents un à un. Mais voilà : la ligne franchie, quelque chose se casse. « Je n’avais plus la flamme. Je n’avais plus d’objectif. » Burn-out. Vide. Même mettre un dossard devient insupportable. Il entre dans une spirale descendante, où l’entraînement devient corvée et le trail, un fardeau.

Alors il cherche ailleurs. Paddle, tennis, tout est envisagé. Mais c’est un job chez Explorer Project, une bande de copains et un coach en préparation mentale qui le remettent sur les rails.

Crédit : Instagram de matthis_granet

40 défis pour 40 ans de vie

Fin 2022, en courant dans le bois de Verrières, une révélation : il dresse une liste de 40 défis. Pourquoi 40 ? C’est l’âge qu’avait sa mère quand elle est décédée. Ultra-trails mythiques, off records sur le GR20, GR5, GR10… et surtout, la Via Alpina, 2500 km et 170 000 D+. Mais surtout, cette quête devient solidaire : chaque défi soutient une cause. La première année, il lève 6300 € pour l’association « À Chacun Son Everest ». L’année suivante, il soutient « Boat’s Life Project », pour l’accès à l’éducation au Népal.

SwissPeaks 2023 : l’art de faire tenir 710 km dans un corps

Dans cette logique, Matthis se tourne vers la SwissPeaks 660 (qui en fait… 710). La plus longue course de trail du monde. Il n’a jamais dépassé les 170 km en compétition ? Aucun souci : « Je me suis inscrit sans trop me poser de questions. » L’organisation accepte grâce à ses résultats.

La première partie de la course – non chronométrée – fait déjà 315 km et 22 000 D+, sans balisage ni ravitos fréquents. Un terrain de jeu rude. Il dort à peine deux heures par nuit, avance en solo, et gère à l’instinct.

Résultat : 4e au scratch de cette première moitié.

La seconde partie – 400 km et 27 000 D+ – est une autre bête. Plus roulante, mais beaucoup plus stratégique. Matthis, pas au mieux les premières heures, tombe à la 34e place. « Mais j’ai gardé ma ligne : 800 mètres/heure en montée, relâché en descente, et je savais que ça allait péter devant. »

À mesure que les autres s’usent, il remonte : 28e, 18e, puis 11e… et enfin 9e, en courant les 20 derniers kilomètres comme s’il sortait d’un footing.

💡 Son secret ? Trois piliers : pieds secs, sommeil stratégique, et calories bien choisies. « J’ai tout fait pour éviter l’accumulation de petits problèmes. Et ça a payé. »

Plus que de la course : une philosophie de vie

À l’arrivée, Matthis est lucide : ce n’est pas qu’une histoire de classement. « Cette course, elle m’a fait gagner cinq ans d’espérance de vie. » Il a retrouvé du sens. Loin du besoin de performance pour flatter un sponsor, il court aujourd’hui pour vivre, honorer la mémoire de sa mère, et transmettre de la force à ceux qui souffrent.

Il conclut avec cette phrase simple : « Il faut toujours croire en soi et croire en ses rêves. ».



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