Faut-il vraiment couper l'entraînement pendant ses vacances ? (Ce que dit la science)
Dans le monde du running, il y a deux camps.Ceux qui profitent des vacances pour relâcher totalement. Et ceux qui continuent coûte que coûte, quitte à caler un footing entre deux baignades ou une séance de seuil avant l’apéro.
Derrière ces choix, il y a des croyances bien ancrées : "Si je coupe, je perds", "Le corps a besoin de souffler", "Les pros s’arrêtent, donc moi aussi", "Les pros ne s’arrêtent jamais, donc moi non plus". Tout le monde a un avis. Rarement les bons repères.
Dans cet article, on creuse le sujet pour vous aider à trancher. Sans dogme. Et sans culpabilité !
Couper ou ne pas couper - voilà la (fausse) question
Chaque été, c’est le même débat qui revient chez les coureurs.
Faut-il maintenir une routine, adapter son plan, ou lâcher prise ? Pour les coureurs (notamment sur route) sur route, l’été est souvent synonyme de calendrier allégé, d’absence de compétitions majeures, et la chaleur offre un prétexte parfait pour lever le pied. Mais pour beaucoup, appuyer sur pause, c’est aussi risquer de tout gâcher : la forme accumulée, la discipline mentale, le “bon rythme”.
Et cette peur n’est pas qu’une question d’ego. C’est culturel.
Dans le monde du running amateur, l’été reste un angle mort du plan d’entraînement. Ni vraiment une période de coupure officielle, ni une phase de charge. On continue souvent “au feeling”, entre culpabilité et volonté de “rester actif”.
Un dilemme amplifié par les réseaux
Sur Instagram ou Strava, personne ne poste son canapé.
Les vacances actives sont devenues la norme. Entre stages trail dans les Alpes, swimruns en Sardaigne et photos de sessions au lever du jour, la pause totale ressemble presque à une faute professionnelle. Même chez les coureurs non-compétiteurs.
Résultat : beaucoup n’osent plus vraiment s’arrêter, même s’ils en auraient besoin. D’autres, au contraire, coupent brutalement sans savoir comment gérer le retour. Et très peu savent ce que dit réellement la science sur les effets d’un arrêt – même court – de l’entraînement.
C’est là que les repères flanchent. Et que les idées reçues s’installent :
"Au bout de 3 jours, tu perds", "L'endurance, ça se garde", "C’est mental", "Faut garder de la tonicité"... mais avec quel fond scientifique ?
Avant de regarder ce que font les pros ou ce que disent les coachs, il faut revenir à l’essentiel : que se passe-t-il réellement dans le corps d’un coureur quand il coupe l’entraînement ?
Crédit : @ygiffe // @juuullliioooo
Le désentraînement, un phénomène bien réel… mais pas immédiat
Bonne nouvelle : on ne perd pas tout en trois jours. Ni même en dix.
La littérature scientifique parle de detraining – ou désentraînement – pour désigner l’ensemble des adaptations qui régressent quand on interrompt ou réduit fortement sa pratique. Mais ce processus est progressif, partiel, et surtout réversible.
Selon les études, les premières diminutions de performance apparaissent entre 7 et 14 jours d’inactivité totale, et dépendent du niveau de départ, du type d’effort concerné (aérobie ou anaérobie), et… de la psychologie de l’athlète.
Chez les coureurs réguliers, les paramètres les plus sensibles sont :
La VO₂max, qui peut baisser de 4 à 14 % après 2 à 4 semaines sans entraînement (Coyle et al., 1984 ; Mujika & Padilla, 2000).
Le volume plasmatique, qui chute rapidement, affectant le transport d’oxygène.
La capacité anaérobie, plus fragile que l’endurance de base.
La sensibilité à l’effort, souvent accrue après une coupure, ce qui donne l’impression de “tout avoir perdu”.
Mais…
Ce qui tient mieux que prévu
Heureusement, tout ne disparaît pas aussi vite :
Les adaptations périphériques, comme la densité mitochondriale ou les capillaires, sont plus durables (jusqu’à 3-4 semaines sans perte significative).
La mémoire musculaire joue un rôle protecteur : les fibres "se souviennent", et facilitent le retour.
La technique de course, la coordination et l’économie gestuelle restent stables si l’arrêt ne dépasse pas quelques semaines.
Autrement dit : l’endurance de fond, patiemment construite, est résiliente. C’est la haute intensité et les qualités explosives qui déclinent le plus vite.
Et le cerveau dans tout ça ?
Peu étudiée mais cruciale, la dimension neurocognitive influence aussi la récupération. Une pause bien gérée permet de réduire la charge mentale, d’améliorer la motivation intrinsèque, et de prévenir le surentraînement. Plusieurs études montrent qu’un repos programmé diminue les marqueurs de stress, améliore le sommeil et relance l’adhésion à l’entraînement (Kellmann, 2010).
Tout dépend ensuite de comment on coupe :
L’équilibre repose sur deux variables : durée et intensité
Arrêt total (zéro activité) : utile pour les coureurs épuisés ou blessés, mais à gérer avec précaution si elle dépasse 2-3 semaines.
Repos actif (rando, natation, vélo, renfo léger) : idéal pour maintenir le métabolisme sans solliciter les mêmes filières.
Maintien de l’activité à basse fréquence (1 ou 2 séances par semaine) : souvent suffisant pour éviter un désentraînement significatif.
Côté coachs, on parle de “rebond”
Certains entraîneurs vont plus loin : ils prescrivent la coupure. Pas comme une pause floue, mais comme un vrai levier de performance.
“L'entraînement, c’est un cycle : stress, adaptation, consolidation. Si tu supprimes la consolidation, tu crées une fatigue chronique invisible mais durable.” Jean-François Serre, coach spécialisé trail long
Cette phase de "rebond" permet d’absorber les charges passées, d’identifier les déséquilibres, et de relancer la motivation.
Le piège de la coupure mal gérée
Mais attention : tout n’est pas rose.
La coupure peut aussi se transformer en terrain glissant :
Prise de poids rapide si l’alimentation reste “d’entraînement” alors que la dépense chute.
Perte de repères si l’arrêt est trop long et non structuré.
Retour brutal à l’effort, qui augmente le risque de blessure (notamment tendineuse et articulaire).
C’est pourquoi beaucoup optent pour des vacances actives intelligentes :
pas d’entraînement formel, mais des stimulations variées (vélo, sports d’eau, rando, gainage) pour maintenir la dynamique sans puiser.
Ne rien faire pour mieux faire
Et si la vraie question n’était pas : “Dois-je couper ou pas ?”
Mais plutôt : “Pourquoi ai-je si peur de le faire ?”
Dans un monde où tout s’accélère — même nos loisirs — la coupure dérange. Elle donne l’impression de perdre du temps, du niveau, du contrôle. Et pourtant, le corps sait faire. Il se répare, il consolide, il mémorise, à condition qu’on lui en laisse la possibilité.
La science l’affirme : quelques jours sans courir ne détruisent pas une saison. Les pros le prouvent : on peut tout couper… et revenir plus fort. À condition de le faire avec intention, pas par abandon.
Alors que faire cet été ?
Tu peux continuer à courir — si ça te fait du bien.
Tu peux tout arrêter — si ton corps en a besoin.
Mais dans les deux cas, ce n’est pas une régression, c’est une transition.
Car progresser, ce n’est pas toujours ajouter. C’est parfois savoir s’effacer, pour revenir avec plus de lucidité, plus d’envie… et plus de jambes.
Dans le monde du running, il y a deux camps.Ceux qui profitent des vacances pour relâcher totalement. Et ceux qui continuent coûte que coûte, quitte à caler un footing entre deux baignades ou une séance de seuil avant l’apéro.
Dans cet article, on creuse le sujet pour vous aider à trancher. Sans dogme. Et sans culpabilité !