Troubles Alimentaires : Corps, Poids, Performance… le Tabou du Running

Contrôler son poids, optimiser sa perf', manger sain… Et si, parfois, le curseur se déplace trop loin ? Dans cet épisode d’Investigation, Cléo et Émilie s’attaquent à un sujet aussi crucial que méconnu : les troubles du comportement alimentaire (TCA) dans le milieu du running. À travers des témoignages poignants et les éclairages de professionnels, on explore les dessous d’un tabou bien ancré dans la course à pied.

Crédit : Nutripure

Un million de coureurs (et plus) concernés

Les TCA touchent près de 900 000 personnes en France, selon la Fédération Française Anorexie Boulimie. Et ce chiffre est probablement en dessous de la réalité.

En cause ? Le tabou, bien sûr, mais aussi la multitude de formes que prennent ces troubles : anorexie mentale, boulimie, hyperphagie… et des troubles plus diffus mais tout aussi délétères.

Comme l’explique la psychiatre Laura Dillodovico, « tous les troubles alimentaires ont en commun une perturbation du rapport à l’alimentation, souvent liée à une altération de l’image corporelle. »

L’anorexie mentale, version sportive

Chez les sportifs, on parle parfois d’anorexie athlétique. Ici, l’obsession n’est pas seulement esthétique mais surtout fonctionnelle. Il faut être plus léger, plus affûté, plus performant. Quitte à pousser son corps dans ses retranchements. « Le corps devient un outil de performance, presque détaché de sa nature humaine », résume la sprinteuse Sarah Faufanak-Houttouan, qui livre un témoignage bouleversant.

Elle raconte la violence des remarques entendues dès ses débuts : « Si tu ne perds pas du poids, tu ne viens pas. » Un jour, son entraîneur la compare à une truie devant tout le groupe. Tout le monde rit. Elle aussi. Mais ce soir-là, elle pleure. Et les troubles commencent.

Le poids des mots, le choc des entraînements

👉 Chez les athlètes de haut niveau, les chiffres donnent le vertige. Une étude norvégienne a révélé que 13,5 % d’entre eux présentent des TCA, contre 4,6 % dans la population générale. Et dans certains sports (gymnastique, sports à catégorie de poids, athlétisme…), les taux grimpent jusqu’à 50 % !

Pour Mathieu Juiz, nutritionniste à la FFA, l’explication est double : « Plus on augmente la distance de course, plus le corps idéal tend vers la maigreur. Et les entraîneurs, souvent mal formés, jouent parfois un rôle délétère en voulant tout contrôler, y compris la nutrition, sans compétence pour cela. »

Des signes qui ne trompent pas (toujours)

Arrêt des règles, perte de poids rapide, fatigue, blessures à répétition, évitement des repas en groupe… Les signaux existent, mais sont souvent minimisés, banalisés ou dissimulés. « C’est une maladie de la dissimulation », souligne Thomas Poutot, ancien footballeur et auteur d’un livre-témoignage sur son anorexie.

Chez les hommes, le tabou est encore plus grand. Peu suspectés d’en souffrir, leurs signaux sont ignorés. « À 1m80 pour 40 kilos, personne ne s’est alarmé », raconte Thomas.

Retrouver le plaisir, sortir du contrôle

Et pourtant, l’histoire d’Emma, coureuse amatrice, rappelle qu’il est possible de retrouver une relation saine au sport. Elle aussi a connu l’anorexie, les sorties pour « brûler des calories », les repas sautés. Mais petit à petit, grâce à une thérapie, le soutien de ses proches, et… la course à pied, elle a inversé la tendance : « J’ai compris qu’un corps nourri, c’est un corps qui peut courir longtemps et avec plaisir. »

Aujourd’hui, dit-elle, « je cours pour me sentir forte, pas pour me punir. »

Prévenir plutôt que subir

Pour que ces histoires ne se répètent pas, les experts plaident pour une prévention active.

Cela passe par :

  • la formation des entraîneurs (sur les signes d’alerte, le vocabulaire à éviter…),

  • l’instauration d’un dialogue entre professionnels (nutritionnistes, psy, médecins du sport…),

  • et surtout un changement de culture, où performance ne rime pas avec privation.

« Ce n’est pas la course à pied qui crée les troubles, mais la rencontre entre une personnalité, un sport et un contexte », résume la psychologue Mériam Salmi.

Conclusion : et si on remettait un peu de plaisir dans l’assiette ?

Contrairement aux idées reçues, tous les champions ne mangent pas trois feuilles de salade. Méline Rolin poste des pâtes bolo bien garnies, Sacha Zoya partage ses assiettes TikTok de brocolis et viande. Comme quoi, performer et manger ne sont pas incompatibles.

Alors, coureurs et coureuses, si vous avez reconnu certains comportements évoqués ici, ou si vous vous sentez en souffrance : parlez-en. À un proche. À un pro. Aux associations. Parce que le sport doit rester un plaisir. Et parce qu’il n’y a pas de ligne d’arrivée dans la course au contrôle.

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