La Guerre des DATAS : Comment les pros utilisent la science (et les maths) pour performer

Capteurs de fréquence cardiaque, suivi du sommeil, variabilité de la fréquence cardiaque, glycémie en temps réel… Aujourd’hui, tout se mesure. Mais derrière la profusion de données, une question persiste : la data rapproche-t-elle réellement de la performance, ou peut-elle parfois nous en éloigner ?

C’est précisément le sujet qu’ont exploré Joseph Mestrallet, sport scientist et fondateur du laboratoire de performance Enduro, Antoine Godin, kiné du sport au sein de la team professionnelle Brooks, et Benjamin Caccinti, team manager chez Brooks.

👉 Trois regards différents, trois métiers complémentaires, mais une même interrogation : que vaut vraiment la donnée quand il s’agit de préparer et d’accompagner un athlète de haut niveau ?

📌 Un épisode rendu possible grâce au soutien de Brooks, à retrouver sur le podcast Dans la Tête d’un Coureur.

La donnée pour détecter les talents… mais pas que

Chez Brooks, la data n’est plus un simple gadget. Tests de VO₂ max, force, stabilité ou prophylaxie permettent d’évaluer les athlètes et de suivre leur progression. Mais Benjamin Caccinti insiste : « Il reste une énorme part d’intuition. Sur le papier, un athlète peut avoir les meilleurs chiffres, mais s’il n’a pas la rigueur, la confiance ou la capacité à se remettre en question, ça ne marchera pas. »

La donnée sert donc de filtre, mais le facteur humain reste décisif.

Lire un corps en mouvement

Pour Antoine Godin, le premier indicateur reste… l’œil. Observer la pose de pied, le contrôle des hanches, la stabilité ou les asymétries en course permet déjà de dresser un portrait du coureur. « Une foulée belle n’est pas toujours une foulée efficace », rappelle-t-il.

L’important, c’est l’adaptabilité du corps, sa capacité à maintenir une motricité efficace dans des contextes variés (plat, montée, terrain technique).

En clair : un capteur ne remplacera jamais un regard expert.

Charge d’entraînement : trouver la ligne rouge

Tous s’accordent : la gestion de la charge est la clé. Trop peu d’entraînement, pas de progression. Trop d’entraînement, blessure assurée. Joseph Mestrallet distingue la charge externe (le volume effectué) et la charge interne (comment le corps la vit). Son outil préféré ? Les commentaires et ressentis des athlètes. « Le feedback, c’est la donnée la plus précieuse », affirme-t-il.

Antoine confirme : un athlète fatigué se voit courir différemment. Et Benjamin alerte sur le risque de « griller » des jeunes en les surchargeant trop tôt.

Fatigue et récupération : l’angle mort de la data

La fatigue physiologique se mesure relativement bien. La fatigue mentale, en revanche, reste un mystère. Les questionnaires existent, mais objectiver la motivation ou le stress relève encore du défi scientifique.

Côté récupération, les progrès sont réels : nutrition, sommeil, gestion de l’altitude… Mais les périodes de coupure entre gros blocs d’entraînement sont encore trop négligées. L’exemple des Golden Trail Series, où deux courses en deux semaines ont épuisé la plupart des athlètes, en est une preuve criante.

Le pic de forme : Graal ou mirage ?

Planifier un pic de forme reste l’art suprême. Benjamin estime qu’on ne peut espérer qu’un ou deux pics par an, rarement plus. Joseph, lui, modélise et ajuste les courbes de charge pour valider que l’athlète est sur la bonne trajectoire. Mais Antoine prévient : « Le pic de forme, c’est marcher sur une ligne très fine. Trop tirer dessus, et c’est la blessure. »

Le futur : des « Digital Twin » pour simuler la performance

L’innovation la plus fascinante vient peut-être du « Digital Twin ». Joseph crée un véritable avatar mathématique des athlètes, capable de simuler des milliers de scénarios : partir vite ou lentement, tester des stratégies de pacing, courir avec tel niveau de glycémie ou à telle altitude… Le tout sans risquer de casser l’athlète réel.

💡 Résultat : une préparation calibrée au millimètre, et une confiance retrouvée.

Et demain ?

Faut-il craindre un trail piloté comme une Formule 1, avec oreillettes et stratégies dictées par les chiffres ? Les avis divergent. La donnée ouvre des perspectives incroyables, mais doit rester au service de l’athlète et de l’humain. Comme le résume Benjamin Caccinti : « La science aura forcément un impact, mais il y aura toujours une part de feeling, et c’est peut-être ça qui garde la beauté du sport. »



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