Rémi Bonnet à cœur ouvert : entre pression, doutes et obsession de la gagne

Il avale du dénivelé comme d’autres boivent leur café, enchaîne les podiums été comme hiver, et garde les pieds sur terre même au sommet : Rémi Bonnet bouscule les codes du trail running mondial. À 30 ans, le Suisse impressionne par sa double casquette de skieur-alpiniste et de traileur de haut niveau, mais aussi par sa régularité, sa lucidité… et une VO2 max qui frôle l’indécence (93, si vous tenez aux chiffres).

Nous avons eu la chance de le recevoir dans une interview exclusive , où il s’est livré avec sincérité sur sa carrière, ses routines, ses ambitions et sa quête d’équilibre entre performance et plaisir. Une plongée rare dans la tête d’un champion qui cherche moins à briller qu’à rester fidèle à lui-même.

Crédit : Rémi Bonnet lors de la course Sierre-Zinal.

Naissance d’une passion, presque par hasard

Rémi Bonnet n’est pas né avec des skis aux pieds. Enfant, il rechignait à marcher en montagne. Il faut dire qu’à Charmey, dans le canton de Fribourg, on vit au rythme paisible de la nature. Le jeune Rémi, lui, préférait taper dans un ballon avec ses copains plutôt que grimper les sommets. C’est presque par hasard, à 17 ans, qu’une sortie en ski de rando va tout bouleverser. « J’ai eu cette sensation de liberté, d’évasion, de ne pas avoir de limites », confie-t-il.

Ce déclic va le propulser en quelques années parmi les meilleurs mondiaux en ski-alpinisme. Une progression fulgurante, à l’image de ses débuts en trail quelques années plus tard : en 2015, Salomon repère immédiatement son potentiel. Deux disciplines, deux succès… et deux fois plus de pression.

Être (le nouveau) Killian Jornet, ou ne pas être

La comparaison avec Kilian Jornet — son idole de toujours — est arrivée vite. Trop vite. À peine le temps d’enfiler un dossard que déjà, certains médias le surnommaient « le Killian suisse ». Une étiquette flatteuse ? Pas pour Rémi. « Je l’ai très mal vécu. Je n’avais plus de plaisir à courir, même à m’entraîner. Je faisais tout pour les autres, plus pour moi. »

Cette période de doute aurait pu le faire décrocher. Mais en revenant à l’essentiel — le goût de l’effort, la nature, ses racines — Rémi a retrouvé l’élan. Mieux encore : il a appris à lever le pied. « Aujourd’hui, je sais couper après une grosse performance. Avant, j’étais incapable de m’arrêter. »

Crédit : Esprit Trail

Une philosophie d’entraînement : plaisir et volume

S’il fallait résumer sa méthode d’entraînement en un mot, ce serait « plaisir ». Rémi enchaîne pourtant les semaines à plus de 500 000 mètres de dénivelé positif par an.

Coaché par Simon Gosselin, il mise sur un gros volume annuel plutôt que sur des pics d’intensité. « La vitesse vient après. Il faut une base solide. »

Au programme : du ski l’hiver, du trail l’été, un soupçon de piste, une pincée de vélo et bien sûr, du dénivelé à volonté.

Des données, mais pas trop

Pas de lactate, peu de gadgets. Rémi Bonnet aime Strava « pour les segments » mais il reste fidèle à ses sensations. Il connaît ses zones, il sent quand il est prêt, et il fait confiance à son coach pour le reste. Une approche instinctive, mais encadrée. Et surtout, sans obsession de la data.

Crédit : Gaetan Haugeard

Se réinventer, encore

Pendant longtemps, la descente a été son talon d’Achille. « J’ai perdu des courses à cause de ça. » Il lui aura fallu trois ans pour débloquer mentalement cette peur. Aujourd’hui, il attaque même dans les descentes. Travail spécifique, confiance, chutes acceptées : là aussi, le progrès est constant.

Et demain ? L’ultra l’attire. Western States, peut-être plus que l’UTMB. « Je me donne encore une année sur la Golden Trail Series, puis je tournerai la page. » Mais pas question d’abandonner les formats courts : un KV (Kilomètre vertical) bien senti restera toujours au menu.

L’obsession de progresser, pas de gagner

La plus grande qualité de Rémi Bonnet ? Peut-être celle-là : ne pas courir après la victoire, mais après la version la plus accomplie de lui-même. « Je me compare à personne. J’essaie juste d’atteindre mon maximum. » Et dans cette quête-là, pas besoin de médaille pour briller.


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