72 marathons en 72 jours : l’aventure qui a réappris à Alban à avancer

Il y a des défis qui racontent une performance. Et puis il y a ceux, plus rares, plus précieux, qui racontent une reconstruction.
Pour Alban Pellegrin, courir 72 marathons en 72 jours n’a jamais été un exploit sportif. C’était une manière d’avancer alors que tout, dans sa vie, venait justement de s’arrêter.

Dans les semaines qui ont suivi le décès de sa maman, il a ressenti ce vide brutal, celui qui bouscule tout : les certitudes, les habitudes, le sens même de ce qu’on fait au quotidien. Alors il s’est mis en marche.

Littéralement. Avec un sac à dos de 7 kilos, une bonne dose d’insouciance et une envie presque animale d’aller à la rencontre des autres.

D’un lever de soleil à un saut dans l’inconnu

Le premier déclic arrive un matin de septembre, lors d’un footing avec Matthieu Blanchard, tout juste après son abandon à l’UTMB. En l’écoutant parler de ses choix, de ses renoncements et de son livre Vivre d’aventure, Alban réalise qu’il lui manque quelque chose : oser. « Le plus difficile pour l’homme, c’est oser », lui glisse Matthieu.

Quelques semaines plus tard, Alban quitte un poste confortable de directeur des ventes. Pas en burn-out, pas par rejet. Simplement parce qu’il veut autre chose. Parce qu’il veut vivre une aventure, pas seulement un défi.

Pourquoi 72 jours ? Pourquoi un marathon ? Pourquoi comme ça ?

Parce qu’un marathon, ça l’a transformé.
Parce que relier les quatre points cardinaux de la France, c’était donner une cohérence à son voyage intérieur.
Parce que partir sans savoir où il dormira le soir, c’était se confronter à la peur et à l’humanité.

Alban n’est pas un vagabond : il se définit comme un nomade. Quelqu’un qui part d’un point A pour rejoindre un point B… mais en prenant toutes les routes possibles entre les deux.

Jour 1 : un marathon, un rire, une leçon

Bray-Dunes, point le plus au nord de France.
8h du matin, un pull à capuche, la mer comme ligne de fuite.

Alban termine son premier marathon en allant à la rencontre de Jean-Paul, atteint d’une BPCO et appareillé en permanence d’un sac de 7 kilos. « Dès que j’ai rencontré Jean-Paul, je ne me suis plus jamais plaint de mon sac à dos », raconte Alban.

Et le soir, il frappe à sa première porte. Premier refus. Deuxième tentative : une famille lui ouvre littéralement sa maison, sa cuisine, son salon, ses enfants, un match de foot improvisé et même… une reprise de Je t’aime de Slimane à la guitare.

À la fin de la soirée, il se dit que si l’aventure s’arrêtait là, ce serait déjà une réussite.

Crédit : Hugo Lorentz

La France des rencontres et des hasards heureux

Au fil des jours, des refus et des oui inespérés, Alban découvre une France qu’on décrit trop peu : celle de l’hospitalité instinctive, des portes qu’on ouvre sans savoir exactement pourquoi, des assiettes qu’on remplit un peu trop “au cas où”, des histoires qu’on partage parce qu’un inconnu vient de marcher 42 kilomètres pour arriver jusqu’à vous.

Un dimanche, il confie sur les réseaux qu’il ne trouve aucune boulangerie ouverte. Une mère et sa fille de 7 ans préparent un jambon-beurre et partent le chercher en voiture. « Quand je vois cette maman me klaxonner en disant ‘Ça fait une demi-heure qu’on te cherche’, les larmes me montent. »

👉 Ce n’est plus seulement lui qui va vers les gens : les gens vont vers lui.

La peur comme moteur, jamais comme frein

La peur, Alban la connaît bien. Mais il la respecte davantage qu’il ne la fuit. Elle le maintient concentré, vivant, vigilant.
Quand un mollet menace de se déchirer, quand un refus pique un peu trop, quand la pluie tombe sans discontinuer pendant 8 heures… la peur rappelle que l’aventure est réelle, pas romantisée.

Et souvent, c’est quelqu’un d’autre qui la dissipe : un ostéo qui débarque à 21h30 avec sa table, un jeune coureur de 20 ans qui le ramène chez lui, une famille qui sort l’album de leur fils ancien “enfant bulle” en lui parlant d’asthme et de destin.

Crédit : Hugo Lorentz

Lyon : une arrivée qui n’en est pas une

Arriver à Lyon, sa ville, n’est pas censé être l’aboutissement mais comment rester de marbre quand 150 personnes l’attendent place Bellecour, sous un soleil qui transperce miraculeusement une journée annoncée pluvieuse ?

Il garde sa clé de maison dans son sac, comme un rappel :
“Ne sors pas de ta bulle. Tu n’es pas encore arrivé.”

Ce jour-là, il découvre vraiment l’impact humain de ce qu’il est en train de vivre.

Le dernier soir : une poterie, un signe, un clin d’œil de maman

La veille du dernier marathon, Alban refuse les invitations et décide de faire “toc-toc” une dernière fois. Par hasard, il entre dans une grande poterie familiale. Sa mère vendait de la vaisselle.
Destin ? Coïncidence ? Petit clin d’œil céleste ?

Il visite l’usine, rencontre Richard, 75 ans, amoureux de son métier.
Et finit… invité à dormir dans la maison familiale, comme dans une BD où chaque étage abrite un morceau de l’histoire.

Le dernier matin, il part avec l’impression d’avoir reçu un cadeau supplémentaire.

Le 72e marathon : la délivrance, les larmes, l’essentiel

À Lauterbourg, point cardinal de l’est, ils sont une centaine à l’attendre, le maire compris.
Son corps lâche presque, mais son histoire, elle, tient debout.

La cagnotte pour la Fondation du Souffle explose : plus de 30 000 € récoltés.
Et dans son discours, Alban pense à une seule personne : sa mère. « Elle était là pendant 72 jours. Évidemment qu’elle était là à l’arrivée. »

Ce qu’il restera : une France qui ouvre ses portes, et un homme qui s’est rouvert au monde

Au bout du chemin, Alban a compris deux choses :

  1. On avance rarement seul.
    Les autres nous portent, nous nourrissent, nous poussent quand on en a besoin.

  2. Mais pour accepter l’aide des autres, il faut d’abord aller bien soi-même.
    Comme les masques à oxygène dans l’avion : on commence par mettre le sien.

Ce défi n’était pas sportif.
C’était une quête.
Une histoire de deuil, de rencontres, d’humanité, de signes qu’on choisit de voir.

Une histoire de France, tout simplement.
Une France qui, chaque soir, a répondu à un simple toc-toc-toc.


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