Mondiaux de Tokyo : Gressier au sommet… mais l’athlétisme français en crise ? Débrief avec le TRC

Les Championnats du monde d’athlétisme 2025, disputés à Tokyo, ont offert un spectacle à la fois fascinant et frustrant. Si la France peut célébrer l’exploit historique de Jimmy Gressier, double médaillé sur 5 000 et 10 000 mètres, le bilan global reste en demi-teinte : deux médailles seulement, malgré une génération prometteuse et des infrastructures que beaucoup nous envient. Décryptage, entre coups de cœur, déceptions et perspectives d’avenir.

🎙️ Dans cet épisode, avec Margot Maillour et les fondateurs du TRC, on débriefe les Mondiaux d’athlétisme 2025 à Tokyo !

Jimmy Gressier, double médaillé et figure des Mondiaux

Impossible de commencer autrement : Jimmy Gressier a été l’homme des Mondiaux.
Historique, son doublé 5 000 / 10 000 m rappelle que « l’impossible » n’est qu’un mot. Dans une discipline longtemps dominée par les coureurs des hauts plateaux africains, le Français a osé défier la hiérarchie.
Sa victoire sur 10 000 m, dans une course tactique au finish explosif, a marqué les esprits. Plus encore que sa pointe de vitesse, c’est son sens du placement et sa lucidité qui ont impressionné : Jimmy est un intuitif. Il sait lire la course, se placer, sentir le bon moment pour accélérer.

Et que dire de son modèle de réussite ? Jimmy Gressier s’est construit comme un véritable entrepreneur de sa carrière : sponsors démarchés personnellement, équipe d’entraînement structurée, stratégie de courses millimétrée. Le Nordiste a tout mis en place pour performer, sans attendre que la fédération lui ouvre la voie. Un exemple à suivre pour une génération qui devra, elle aussi, apprendre à s’auto-organiser.

Des talents… mais pas (encore) de système

Si Gressier brille, le reste de l’équipe de France peine à transformer son potentiel en médailles.
Certes, plusieurs jeunes pousses montrent de belles promesses – Sarah Madeleine sur 1500 m, Étienne Daguinos ou encore Gabriel Tual – mais l’impression dominante reste celle d’un « plafond de verre » : beaucoup de finalistes, peu de podiums.

Comment l’expliquer ?
Sur le papier, la France possède des infrastructures de premier plan (pistes, clubs, INSEP) et une densité d’athlètes impressionnante. Mais cette abondance ne se traduit pas toujours par des performances mondiales. Le système reste trop rigide, la fédération peine à accompagner ses meilleurs éléments, et les athlètes doivent souvent chercher eux-mêmes financements et encadrement de haut niveau.
Pendant ce temps, des pays plus petits – Pays-Bas, Suède, Portugal – décrochent davantage de médailles grâce à des programmes de détection et de formation plus fluides.

Étienne Daguinos et Gabriel Tual aux Mondiaux de Tokyo 2025

Les surprises et les frissons de Tokyo

Au-delà des chiffres, ces Mondiaux ont offert leur lot d’émotions.
Parmi les belles histoires, l’Uruguayenne Julia Paternain, troisième du marathon alors qu’elle n’était classée que 48e au départ, a incarné la magie des courses tactiques.
Chez les Françaises, Sarah Madeleine a ébloui sur 1500 m en réalisant son record personnel en finale face à l’intouchable Faith Kipyegon.
On retiendra aussi la polyvalence de Sydney McLaughlin-Levrone, reine du 400 m haies passée sur le plat avec une facilité déconcertante, ou encore le retour au premier plan d’Adidas, grand vainqueur du classement des équipementiers.

De gauche à droite : Julia Paternain, Sarah Madeleine, Sydney McLaughlin-Levrone aux Mondiaux de Tokyo 2025

Déceptions : des minima trop élevés et des occasions manquées

Les Mondiaux ont aussi laissé un goût amer.
Azzedine Habz, recordman de France du 1500 m, a manqué la finale après une saison usante.
Le marathon français, pourtant en plein boom, n’a pas vu un seul tricolore sur la ligne de départ à cause de minima jugés trop exigeants – une décision stratégique vivement critiquée.
Enfin, Sacha Zoya, grand espoir du 110 m haies, n’a pas pu défendre ses chances, laissant les fans sur leur faim.

Et maintenant ? Los Angeles 2028 en ligne de mire

Avec une génération montante – Jimmy Gressier, bien sûr, mais aussi Paul Anselmini, Etienne Dagnos, Sarah Madeleine ou Gabriel Tual – les voyants ne sont pas au rouge.
L’objectif : transformer la densité actuelle en médailles, à l’image des modèles néerlandais ou suédois.
Pour cela, il faudra des choix forts : investir dans l’accompagnement, accepter de « construire des champions » sur plusieurs années, et encourager les athlètes à planifier leurs saisons comme de véritables projets à long terme.

Ce qu’il faut retenir

  • Le héros : Jimmy Gressier, double médaillé, symbole d’une nouvelle génération audacieuse.

  • Le paradoxe français : des talents et des infrastructures, mais une difficulté à convertir en médailles.

  • Les promesses : une jeunesse ambitieuse (Madeleine, Tual, Dagnos) qui vise déjà Los Angeles 2028.

  • La leçon : le haut niveau demande une stratégie globale, entre science de l’entraînement, intelligence de course… et sens du business.


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