Kilian Jornet nous dévoile toute sa stratégie nutrition (et elle est redoutablement efficace)
Kilian Jornet. Un nom qui évoque les sommets, les records, l’endurance hors normes. Mais si on connaît bien le champion des cimes, on connaît moins l’homme à table. Et pourtant, sa stratégie nutritionnelle, à la fois intuitive et scientifiquement pensée, mérite qu’on s’y attarde.
Dans cet épisode exceptionnel, il revient sans filtre sur son alimentation – de son enfance au refuge familial jusqu’à ses courses les plus extrêmes !
Des repas simples aux bases solides : les débuts de Kilian
Kilian grandit dans un refuge de montagne, où l’alimentation est à la fois simple, végétale et... très peu carnée. « Ma mère était végétarienne, on mangeait de la viande peut-être une fois par semaine », raconte-t-il. Très tôt, il développe une habitude alimentaire tournée vers les produits bruts et peu transformés.
À l’adolescence, quand il quitte le nid pour étudier, la logique économique prend le dessus : 20 kilos de riz ou de pâtes pour tenir la semaine. « C’était une cuisine de subsistance », dit-il, mais sans le savoir, il expérimentait déjà l’amidon résistant : « Je cuisinais une fois par semaine, donc les pommes de terre ou le riz restaient plusieurs jours. » Une nutrition spartiate, certes, mais qui posera les bases d’une compréhension fine de son corps.
Courir (presque) à jeun : les débuts bruts de Kilian
Pour son premier UTMB en 2008, Kilian court avec... une banane et un peu d’eau. Pas par choix stratégique, mais plutôt par méconnaissance. « À l’époque, on mangeait très peu en course. Quelqu’un qui prenait un gel par heure, c’était vu comme un ovni. » Sa vision de l’alimentation pendant l’effort va radicalement évoluer avec l’expérience et l’arrivée de partenaires comme Maurten, avec qui il collabore sur des produits ultra-ciblés.
Il l’admet aujourd’hui : mieux se ravitailler aurait sans doute amélioré ses performances, mais dans les années 2000, « les gels donnaient des troubles digestifs dès qu’on dépassait 20 g de glucides. »
Crédit : Maurten
Du jardin à l’assiette : l’alimentation façon Kilian
Aujourd’hui, Kilian suit une alimentation principalement végétarienne, mais il refuse toute étiquette rigide : « Je n’ai jamais suivi de régime Paléo, Keto ou autre. La meilleure diète, c’est celle qui est adaptée à toi, à ton héritage génétique, à ton microbiote. » Chez les Jornet, les repas sont rythmés (7h, midi, 17h) et centrés sur des produits frais, souvent cultivés dans leur propre jardin norvégien.
Pas de comptage obsessif de macros, mais une attention portée à la qualité : « On mange beaucoup de fibres, de fermentés, du pain au levain fait maison… » Un vrai retour à une alimentation de bon sens.
Métabolisme, flexibilité et adaptations de l’extrême
Kilian est un laboratoire ambulant. Il connaît son métabolisme de base (1 600 kcal/jour) et sait qu’en expédition, il peut brûler jusqu’à 8 300 kcal par jour. Ce qui l’intéresse surtout ? La flexibilité métabolique : la capacité du corps à puiser dans différentes sources d’énergie (glucides, lipides, lactate) selon l’effort.
Lors de l’UTMB 2022, des prélèvements ont montré une utilisation simultanée massive de glucides et de graisses. « C’est ça, la flexibilité. Pas choisir entre gras et sucre, mais utiliser les deux intelligemment. »
Microbiote, lactate et bicarbonate
Kilian s’y intéresse de près, notamment à travers des études menées sur ses courses. Il insiste sur l’importance de la diversité bactérienne, favorisée par les fibres et les aliments fermentés. « Si on consomme trop de sucres simples hors effort, ça peut nuire au microbiote. »
Autre innovation : l’usage du bicarbonate pendant les ultras pour tamponner l’acidité liée au lactate. « Ça n’empêche pas la production de lactate, mais ça diminue la sensation d’effort. » Subtil et redoutablement efficace.
Suppléments, chocolat et bon sens
Kilian prend des compléments, mais seulement quand il en a vraiment besoin. Il prend de la vitamine D (Norvège oblige), des oméga-3, parfois des probiotiques. Mais jamais au hasard : « Il faut d’abord identifier les besoins réels. Si je manque de magnésium, je regarde d’abord si je dors bien, si je suis au soleil. »
Son conseil : avoir des bons aliments à la maison. Si on craque, autant que ce soit sur un fruit sec plutôt que sur une pâte à tartiner industrielle.
💡 En résumé : l’alimentation de Kilian Jornet, c’est un mélange de bon sens, de science appliquée et d’écoute de soi. Pas de dogmes, pas de règles universelles, mais une conviction : chaque coureur doit apprendre à connaître ses besoins, à expérimenter, à ajuster. Et si possible, à cultiver son jardin.
On le voit souvent grimper des cols enneigés, avaler des kilomètres de sentiers ou gravir l’Everest en baskets légères. Mais le vrai super-pouvoir de Kilian Jornet ne se voit pas à l’œil nu. Il est tapi dans ses cellules, dans ses mitochondries, là où son corps devient une centrale à énergie ultra-adaptative. Ce pouvoir, c’est la flexibilité métabolique. Et il l’a travaillé comme un art.