Martin Fourcade : le champion du biathlon à la conquête du Marathon ?
En 2022, à l’occasion de la présence de Martin Fourcade sur le Schneider Electric Marathon de Paris, nous avions souhaité le rencontrer pour comprendre ce qui anime l’un des plus grands champions du sport français.
Mais derrière le palmarès, il y a un enfant des montagnes, élevé loin des écrans, un adulte qui a appris à encaisser les coups, à douter, puis à renaître. Et aujourd’hui encore, un passionné de course à pied qui n’a peut-être pas dit son dernier mot chronométré.
Cet épisode, enregistré sur la finish line du Marathon de Paris, nous plonge dans la tête d’un champion qui n’a jamais cessé de chercher, de comprendre et d’avancer.
👉 Et alors que la nouvelle saison de biathlon démarre, on avait envie de vous repartager cet échange !
Un enfant des Pyrénées forgé par la nature
Font-Romeu, c’est l’endroit où on apprend à glisser, grimper, marcher, respirer. « Quand on grandit dans une station de ski, c’est toujours plus facile de s’essayer aux sports d’hiver », raconte Martin Fourcade.
Pas de réseaux sociaux, pas de Netflix, juste des journées passées dehors. Et visiblement, ça laisse des traces.
Comme Kilian Jornet, l’autre enfant-star des Pyrénées, Martin a grandi entouré de montagne et d’animaux. Leurs pères étaient guides, leurs parents tenaient un gîte. « C’est un cadeau de la vie, et j’essaye de le transmettre à mes enfants », dit-il.
Vancouver 2010 : l’accélérateur de carrière
En 2010, Martin Fourcade décroche l’argent olympique à seulement 20 ans. Une explosion, une révélation : « À Vancouver, je me rends compte pour la première fois que je suis capable de le faire. »
De là naît un plan : structurer sa carrière, viser le titre à Sotchi quatre ans plus tard, devenir professionnel jusqu’au bout des skis. Mais devenir un champion, c’est aussi résister à la starification.
Heureusement, son entourage ne l’a jamais vu autrement que comme Martin, pas comme “Martin Fourcade”. « Le regard de mes proches n’a pas changé. » Et ça, c’est souvent le seul rempart efficace.
Une vie d’entraînement… et de contraintes
Le biathlon, c’est plus de quatre mois de compétition non-stop chaque hiver. « On a plus de quarante courses entre décembre et mars. » Autrement dit : zéro temps pour progresser pendant la saison. Tout se joue l’été, dans des semaines à 15 heures d’entraînement au minimum… et plus de 30 dans les phases de volume.
Une journée-type de jeune Martin Fourcade ?
2h30 le matin en ski-roue,
2h l’après-midi en course, vélo ou autre moyen d’éviter la monotonie musculaire,
musculation 2 à 3 fois par semaine,
six jours sur sept.
Une vraie vie de moine-sportif.
La course à pied, elle, occupe une place importante 5 à 10 heures hebdomadaires, surtout en mode trail. Peu de fractionné, peu de piste : l’intensité se fait en spécifique ski. La course sert surtout à construire l’endurance, réguler l’effort, garder le plaisir.
Blessures et pression : le revers du champion
L’impression de facilité qui se dégageait de Martin n’était qu’un vernis. « Quand on fait une carrière de haut niveau, on vit en permanence avec la blessure. » La gestion physique, ça va encore. La gestion psychologique, beaucoup moins.
🎯 La pression médiatique ? Oui, elle existe. Mais la plus lourde, c’est celle qu’il s’impose lui-même : « Celui qui était le plus déçu quand je contre-performais, c’était moi. »
Pour autant, il n’a jamais ressenti le besoin de travailler avec un préparateur mental. « Ça doit venir d’un besoin personnel, pas être systématisé. ». Une vision qui tranche avec la tendance du sport moderne.
2019 : le crash inattendu
Pendant dix ans, tout lui réussit. Objectifs fixés, objectifs dépassés. Puis 2019 arrive. Et avec elle, une descente aux enfers inattendue.
Son mot pour décrire cette année ?
« Surcharge ».
Pas seulement physique :
deux enfants en bas âge,
une saison précédente exceptionnelle,
des sollicitations de partenaires,
des obligations médiatiques,
et l’arrivée tonitruante du Norvégien Johannes Boe, qui le pousse “comme jamais”.
La coupe était trop lourde. Son corps dit stop. Sa capacité à rebondir, sa marque de fabrique disparaît. « J’enchaînais les contre-performances sans pouvoir me relever. »
Mais surprise : au lieu de le démolir, le public l’enlace. « On est invincible pendant dix ans, puis un jour on devient humain. » Et ça crée un lien unique.
Comment renaître : faire moins pour faire mieux
Pour revenir, il faut parfois désapprendre.
Martin réduit son volume. Revoit ses priorités. Restreint les sollicitations. S’impose de vrais moments de repos. Une hygiène mentale autant que physique. « Le sportif veut toujours en faire plus. Parfois, il faut en faire un peu moins. »
🎯 Le résultat ?
Antolz, février 2020 : le phénix reprend son envol.
Cette dernière saison, il l’a savourée différemment. « J’ai profité de chaque victoire comme si c’était la dernière. »
La course à pied : un terrain de jeu qui revient frapper à la porte
Avec la fin de sa carrière, Martin a retrouvé une manière plus “pure” de faire du sport : courir.
Il aime la simplicité du geste, l’effort direct, la liberté que procurent une paire de chaussures et un chemin. Il fait du trail, beaucoup, et un peu de route aussi. En 2018, il boucle le 10 km Adidas de Paris en 36’54, emmené par… Mahiedine Mekhissi. Rien que ça.
🎯 Et la suite ?
Pas d’UTMB pour lui : « Je suis admiratif, mais ça ne m’attire pas. »
En revanche, un 10 km ou un marathon… « Ça me titille. »
Et quand il voit les coureurs du Marathon de Paris passer sous l’arche, il le sait : un jour, il voudra connaître son chrono.
Le conseil du champion au petit Martin
S’il pouvait parler au jeune garçon qui courait dans les Pyrénées, que lui dirait-il ? « Je ne changerais rien. Les erreurs m’ont apporté autant que les réussites. N’aie pas peur de la difficulté. Aime le sport, fais ce que tu aimes, et vois où ça te mène. »
Et si l’on se fie à son parcours, ça peut mener très, très loin.
📌 Où en est Martin Fourcade aujourd’hui ?
Depuis la fin de sa carrière sportive en 2020, Martin Fourcade a poursuivi son engagement dans le monde du sport sous d’autres formes. Il occupe désormais un rôle majeur au sein du Comité International Olympique, où il œuvre sur les questions d’éthique, de représentation des athlètes et de gouvernance. Parallèlement, il a développé le Martin Fourcade Nordic Festival, qui s’est imposé comme un événement incontournable des sports nordiques en Europe.
Toujours attaché à la performance et au dépassement de soi, il continue également de pratiquer d’autres disciplines d’endurance : en 2022, il a notamment remporté le titre de champion du monde militaire de cyclisme sur route. Sans la contrainte du haut niveau, mais avec la même exigence, Martin Fourcade poursuit aujourd’hui une trajectoire faite d’engagement, de transmission et d’exploration sportive.
Il y a maintenant quelques années, lors du Schneider Electric Marathon de Paris, nous avions eu l’occasion d’échanger avec Martin Fourcade. Et alors que la nouvelle saison de biathlon vient tout juste de s’ouvrir, il nous semblait opportun de vous repartager cet échange, dont la force et la lucidité n’ont rien perdu avec le temps.