Mathieu Blanchard & Marianne Hogan nous révèlent ce que personne n’ose dire sur le mental (échec, doutes, peurs...)

On le cite à chaque performance, on l’accuse à chaque abandon : le mental.
Concept omniprésent dans le sport, mais souvent mal défini, il sert trop souvent d’explication simpliste à des réalités complexes.

Pour en parler sans détour, Mathieu Blanchard et Marianne Hogan, deux figures majeures du trail mondial, ont accepté de se prêter au jeu. Tous deux ont connu les podiums les plus prestigieux — de l’UTMB à la Western States — mais aussi les blessures, les remises en question et les doutes.

Autrement dit, le véritable terrain d’entraînement du mental.

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Quand le corps lâche, l’esprit prend le relais

À l’UTMB 2022, Marianne Hogan franchit la ligne d’arrivée avec une déchirure du psoas. Pour la plupart des coureurs, une telle blessure signifierait la fin de la course. Pas pour elle. « Mon corps m’a complètement lâchée dans la montée vers Champé, raconte-t-elle. C’est uniquement le mental qui m’a amenée jusqu’à la ligne d’arrivée. »

Cette expérience, symbolique de son parcours, illustre ce qu’elle aime dans l’ultra : la part d’imprévu. « En trail, il y a mille leviers sur lesquels jouer pour aller chercher une performance. Ce n’est pas seulement une affaire de jambes. »

Abandonner n’est pas renoncer

Dans un sport où le dépassement de soi est glorifié, admettre qu’on peut — ou qu’on doit — s’arrêter relève presque du tabou.
Pour Mathieu Blanchard, il est temps de changer de perspective : « Quand une course ne se passe pas bien, on cherche souvent à se dédouaner : la météo, le matériel, l’entraîneur… Mais celui qui progresse, c’est celui qui ose regarder la réalité en face. »

Un mental solide n’est donc pas celui qui refuse de plier, mais celui qui fait preuve de discernement. Marianne partage ce constat. Son mental, dit-elle, est à la fois sa plus grande force et sa principale faiblesse. « En course, il m’aide à me dépasser. À l’entraînement, il me pousse parfois trop loin. »
Pour contrebalancer cette tendance, elle s’entoure d’un encadrement capable de lui rappeler qu’en sport, la force n’existe pas sans mesure.

Se parler avec bienveillance

Après un ultra, il est fréquent de ressentir un vide émotionnel. Le corps est épuisé, la tête en surchauffe.
Marianne a longtemps eu le réflexe de se critiquer avant d’apprendre à se féliciter. « Je me dis souvent qu’il faut que je sois aussi bienveillante avec moi-même que je le serais avec un ami. À quoi bon courir toute l’année si c’est pour être déçue au moment où je franchis la ligne ? »

Cette posture, Mathieu Blanchard l’a aussi apprise avec le temps. Pour lui, la frustration n’est pas une ennemie : elle prouve l’attachement, la passion. Encore faut-il savoir l’apprivoiser. « On peut être dur avec soi-même au point de se mettre en danger. Mais si on transforme cette exigence en énergie constructive, elle devient un moteur. »

Le doute, une force mal comprise

Dans la bouche d’un athlète de haut niveau, le mot « doute » paraît presque incongru. Et pourtant, il est omniprésent. « Un coureur qui ne doute jamais, c’est inquiétant », reconnaît Mathieu. « Le doute, c’est une forme d’humilité. S’il disparaît, c’est que je ne suis plus à ma place. »

Depuis un an, Mathieu Blanchard travaille avec un préparateur mental. Cette collaboration lui a permis de mieux comprendre les mécanismes qui se cachent derrière le doute et la peur de l’échec. Il a découvert que si le corps sait s’adapter, le cerveau, lui, anticipe en permanence. C’est cette anticipation — souvent liée au regard des autres et à la crainte de décevoir — qui crée l’émotion. En apprenant à reconnaître ces schémas, il parvient désormais à transformer cette appréhension en énergie constructive.

De son côté, Marianne Hogan adopte une approche plus pragmatique. Elle agit avant tout sur ce qu’elle peut maîtriser : l’entraînement, la récupération, la préparation logistique. Lorsqu’elle se présente sur la ligne de départ, tout est prêt. Le reste, dit-elle, « appartient à la course ».

La pression, cette énergie à apprivoiser

Être parmi les favoris d’une course comme l’UTMB ou la Western States, c’est porter bien plus qu’un dossard. « La pression la plus forte, c’est celle qu’on se met soi-même », confie Marianne. « Mais les gens qui nous aiment vraiment ne nous jugent pas à travers nos résultats. »

Mathieu en a fait l’expérience. En 2021, il courait sans attente, inconnu du grand public. Deux ans plus tard, il était sous les projecteurs. « Cette fois-là, j’ai eu tout à perdre. Et ce stress m’a vidé avant même le départ. »

Avec le recul, il y voit une leçon : le stress n’est pas l’ennemi, il peut devenir un allié. L’essentiel est de le canaliser, d’en faire une source de concentration plutôt qu’un poids.

Avant la course : rester léger

À l’inverse de nombreux athlètes qui s’enferment dans le silence avant le départ, Marianne Hogan préfère la légèreté. « Je sais que je cours mieux quand je suis détendue. Rire avec les gens que j’aime m’aide à aborder la course avec plaisir. »

Mathieu Blanchard partage cette philosophie. Lui aussi préfère aborder les grands départs avec légèreté. Une heure avant une course, il aime écouter de la musique, plaisanter avec ses proches, chanter dans la voiture. Ce rituel lui permet de relâcher la pression et de replacer l’événement à sa juste échelle : il ne s’agit, après tout, que d’une course. Pour lui, le mental se nourrit de cette simplicité, de la capacité à garder le plaisir au cœur de l’effort.

La vulnérabilité, la véritable force

À mesure que la discussion avance, une idée s’impose : la force mentale n’est pas celle du coureur impassible, mais celle de l’athlète lucide, capable d’accepter ses limites. « Pour moi, le mental, c’est la capacité d’adaptation et le contrôle des émotions », résume Marianne. « Et j’ajouterais la résolution de problèmes », complète Mathieu.

Derrière l’image du coureur inébranlable se cache en réalité une grande sensibilité. Le véritable mental, c’est sans doute celui qui accepte de douter, de plier parfois, mais jamais de renoncer.



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