Comment une nouvelle génération de traileurs casse les codes de la montagne ?
Ils courent vite, très vite. Ils viennent du cross, de la route, de la course d’orientation. Ils filment leurs entraînements, partagent leurs émotions, s’affichent en short et baskets flashy là où régnaient les bâtons et la polaire. Une nouvelle génération de traileurs et traileuses est en train de redessiner le paysage du trail. Moins figés dans les traditions, plus hybrides, plus libres aussi, ils imposent de nouveaux standards… sans renier l’esprit de la montagne.
Rencontre avec cette génération qui court avec les jambes, mais aussi avec les idées.
D’un héritage montagnard à une nouvelle ère
Pendant longtemps, le trail avait un ADN très montagne : des racines dans le ski-alpinisme, des figures venues des Hautes-Alpes ou des Pyrénées, des formats qui privilégiaient la rusticité au chrono. En France, c’était presque une “contre-culture” face à l’athlétisme de stade.
Mais ce mur est en train de tomber. Jean-Michel Faure-Vincent, manager du team New Balance Trail, l’a bien vu : « Aujourd’hui, tous les coureurs du team vont s’essayer au marathon, et inversement. On a des profils qui courent très vite, et qu’on pousse aussi à aller sur du technique, sur du long. » Le trail n’est plus une niche. C’est un carrefour.
Crédit : Enzo Besson
La génération passerelle
Maëlle Beauvir est venue de la course d’orientation, Théo Détienne du triathlon et du cross. Tous deux incarnent cette nouvelle génération à la fois technique, rigoureuse et polyvalente. « Ce que j’aime, c’est qu’on vient tous d’univers différents. On échange beaucoup sur nos approches, nos méthodes. Ça fait progresser tout le monde. » explique Maëlle.
Théo, quant à lui, n’a pas de coach. Mais il connaît précisément ses charges, ses sensations, ses besoins. « J’ai besoin de liberté. Je me construis en me testant. Et ce côté instinctif me permet aussi d’apprendre vite. »
Ils ne rentrent pas dans une case. Ils les mélangent.
Nouvelle génération, nouvelle communication
Et ce changement ne se limite pas au terrain. Il est aussi visible dans la manière de vivre — et de montrer — le sport. Théo documente sa préparation UTMB sur YouTube. Il parle à ses abonnés avec sincérité, pédagogie, et sans filtre. « Je veux montrer que les élites sont des coureurs comme les autres. Juste un peu plus entraînés. »
Une manière de reprendre la parole dans un monde saturé de conseils sans fondement : « Si les athlètes ne prennent pas la parole, d’autres le feront à leur place… parfois en racontant n’importe quoi. »
C’est direct, c’est cash, mais ça marche.
Crédit : Miniature YouTube de Théo Détienne
Moins de dogmes, plus d’adaptation
Ce que rejette cette génération ? La standardisation. Les “méthodes miracles”. Les plans rigides. Le trail n’est pas une science exacte, et ils le savent « L’important, c’est d’apprendre à se connaître », dit Théo. « Et ce qui marche pour moi ne marchera peut-être pas pour toi. »
Les stages, moments clés dans la saison, deviennent des laboratoires de cette diversité. On y parle de récup, de volume, de nutrition, mais aussi de doutes et de ratés. La performance est une recherche. Pas une recette.
Une autre manière d’être montagnard
Ils ne rejettent pas la montagne, bien au contraire. Mais ils la vivent différemment. Pas besoin d’avoir grandi dans un refuge pour ressentir l’appel du sentier. Et pas besoin de courir en silence pour être légitime. « Le trail, ça révèle les gens », dit Jean-Michel. « Et cette génération le montre très bien. »
Ils sont connectés, créatifs, rapides. Et profondément attachés à l’idée de se dépasser dans un cadre exigeant, beau et imprévisible. Ils n'ont pas cassé l’esprit montagne. Ils l'ont juste emmené ailleurs.
En résumé
Cette nouvelle génération de traileurs casse les codes non pour choquer, mais pour évoluer. Ils bousculent les formats, les méthodes, les représentations. Mais leur moteur reste le même que celui des pionniers : aller plus loin, plus haut, en restant fidèles à eux-mêmes. Et ça, c’est peut-être la plus belle des révolutions.
Des sentiers de montagne aux podiums internationaux, le trail running n’est plus une simple histoire de randonneurs pressés. En l’espace de vingt ans, la discipline a connu une véritable métamorphose, passant de l’artisanat à l’industrie de pointe, sans (trop) perdre son âme.
En immersion avec la team New Balance à Chamonix, on retrace ce virage spectaculaire, avec : Jean-Michel Faure-Vincent, team manager New Balance Trail, Théo Détienne et Maëlle Beauvir, jeunes athlètes prometteurs.