Réseaux sociaux : un levier aussi crucial que la performance pour devenir athlète professionnel ?

Longtemps cantonné à ses sommets et à ses sentiers, le trail se pratique aujourd’hui aussi... sur écran. Instagram, YouTube, Strava : pour les jeunes athlètes, impossible de faire l’impasse. Mais faut-il vraiment « poster » pour percer ? Le talent suffit-il encore ? Plongée dans une discipline qui court de plus en plus vite, mais où l’image n’a jamais autant compté.

Performance d’abord, communication ensuite

Jean-Michel Faure-Vincent, team manager trail chez New Balance, ne tourne pas autour pot : « On ne commence pas par faire de la com. On fait d’abord de la perf. Une fois qu’il y a une vraie base sportive, là, on peut communiquer. »

Le message est clair : dans le trail comme ailleurs, on ne bâtit pas une carrière sur un filtre Lightroom ou une GoPro bien placée. Pour être légitime, il faut courir vite, tomber (parfois), se relever (souvent), et surtout... durer.

Mais il reconnaît aussi que le paysage a changé : aujourd’hui, un athlète professionnel ne peut plus seulement courir vite, il doit aussi savoir raconter son histoire, partager ses coulisses et créer du lien avec sa communauté.

Crédit : Peignée Verticale

Le coureur devient aussi créateur

Théo Détienne incarne parfaitement cette double casquette. À 27 ans, il aligne les podiums… et les vues. En collaboration avec Enzo Besson, il a lancé une série YouTube qui suit sa préparation à l’UTMB. « Je le fais parce que ça me plaît. J’ai envie de montrer ma vision du sport, de partager ce que je vis. »

Mais au-delà du storytelling personnel, Théo voit une mission plus large : recréer du lien entre l’élite et le peloton. « Beaucoup pensent qu’il y a un monde entre les pros et les amateurs. Moi, je veux montrer qu’on est juste des coureurs comme les autres… avec un peu plus d’entraînement. »

Une façon de combler le vide laissé par les contenus standardisés, parfois déconnectés de la réalité terrain. Et d’offrir un contrepoids aux “influenceurs du trail”.

Un équilibre délicat à trouver

Produire du contenu, répondre aux sollicitations, être visible… tout cela fait désormais partie du métier. Et ça change la donne. Jean-Michel le constate : « Avant, les athlètes couraient, levaient les bras à l’arrivée, et basta. Aujourd’hui, la course n’est que la moitié du boulot. Derrière, il y a la médiatisation, les réseaux, les partenaires à gérer. »

Et cette pression supplémentaire n’est pas anodine. Trop en faire ? On s’épuise. Trop peu ? On disparaît. La solution ? Être vrai. Ne pas surjouer. Ne pas se forcer. « On veut des athlètes crédibles. Pas des personnes qui racontent le haut niveau sans l’avoir vécu », insiste Jean-Michel.

Insta ou pas Insta, là n’est (plus) la question

Alors, est-ce qu’on peut encore devenir pro sans être sur les réseaux ? Techniquement, oui. Mais ce sera plus compliqué. Dans un sport où les sponsors financent tout — du matériel aux déplacements —, la visibilité est devenue une monnaie d’échange.

Et pour les marques, l’authenticité et l’engagement priment souvent sur les gros chiffres. « Je préfère un athlète qui a 1 000 vrais abonnés, qu’un autre avec 10 000 achetés sur une appli louche », explique Jean-Michel.

Pour le public, cette nouvelle ère a aussi du bon. Voir les coulisses, les doutes, les plantages et les réussites, ça rapproche. Théo, Maëlle et d’autres apportent une voix précieuse dans un paysage parfois saturé d’images lisses et d’injonctions de performance. Et c’est aussi ça, l’esprit trail : rester humain, même dans la haute performance.

Conclusion : être vu, c’est bien. Être vrai, c’est mieux.

Oui, aujourd’hui, un athlète pro doit savoir gérer son image. Mais l’essentiel reste — et restera — ce qui se joue sur les sentiers. À quoi bon poster des reels si tu n’as rien vécu de réel ? À Chamonix comme ailleurs, les coureurs qui marquent sont ceux qui savent conjuguer authenticité, exigence et… un bon ratio de batterie avant la ligne d’arrivée.



Précédent
Précédent

Marathon du Mont-Blanc x New Balance : le pari d’un trail libre ?

Suivant
Suivant

Comment une nouvelle génération de traileurs casse les codes de la montagne ?